dimanche 20 mars 2011

La philosophie est une méta-discipline de la connaissance objective

 « Sur ce dont on ne peut parler, il faut garder le silence. »
(Ludwig Wittgenstein, Tractatus logico-philosophicus, 7.)
Le caractère singulier de la philosophie réside dans le fait que l'on ne saurait l'assimiler à quelque autre forme de connaissance que ce soit. Que l'on en soit conscient ou non, il y a philosophie toutes les fois qu'il y a connaissance. L'appréhension du réel ne se fait pas ex-nihilo mais induit une ontologie implicite. Connaître une chose revient inévitablement à déterminer un domaine de définition dans lequel la chose en question pourra être située. Situer l'objet que l'on cherche à connaître permet de l'ancrer dans une matrice de présupposés. Le présupposé est un référentiel: il fixe des constantes grâces auxquelles la matrice se tient, acquiert un sens et permet ainsi de représenter une chose au-delà de l'intuition. En somme, l'intuition est transcendée par la contextualisation, de sorte que connaître une chose n'est possible qu'en la replaçant dans un domaine de définition.

La finalité de l'activité philosophique est de déterminer l'essence des référentiels, ou propositions atomiques, à partir desquels tout système de connaissance se tient. Vient ensuite la nécessité d'accorder ces référentiels entre-eux afin qu'ils forment une matrice cohérente dont les fondements et les limites sont apparents. Dès lors, la connaissance n'est plus isolée, particulière voire relative: elle se tient dans un contexte qui détermine sa valeur, son sens et sa portée. C'est en cela que la philosophie peut être définie comme étant la discipline à partir de laquelle se fondent toutes les autres. Si l'on devait se représenter la place de la philosophie dans la hiérarchie de la raison humaine, elle serait le sommet d'une pyramide qui ne cesse de s'étendre. Ainsi, la philosophie est une méta-discipline dont les ramifications sont à priori susceptibles de se prolonger à l'infini.

Appréhendée comme il suit, l'activité philosophique apparaît comme inéluctablement rationnelle. C'est en cela qu'elle se distingue d'autres méta-disciplines possibles mais qui ne relèveraient toutefois pas de la connaissance objective. Par connaissance objective, entendons l'ensemble des représentations mentales intégrées à une matrice prédéterminée. Dès lors, toute représentation, pour être objective, doit dépendre de propositions premières de nature relative. Le caractère relatif des référentiels d'une matrice tient à ce que ceux-ci doivent fixer l'étendue et les limites de la connaissance possible. Ainsi, la faculté de connaître peut prospérer sous le règne de l'expérience tout en intégrant les données brutes du sensible. Il est manifeste que l'expérience peut errer, que les sens sont eux-mêmes limités mais aussi que le monde s'exprime au travers du prisme de la conscience. Dans cette optique, le fait d'essayer de connaître une chose tout en ayant conscience des limites de cette connaissance même est fondamental.

Les fruits de la connaissance objective sont eux-mêmes le fruit d'un contexte. Reconnaître qu'une chose ne peut pas être connue de façon sûre, ne serait-ce que de façon provisoire ou méthodologique, est donc hautement préférable aux vérités trop sublimes qui donnent l'impression de se suffire à elles-mêmes. Par conséquent, l'activité philosophique est de favoriser tant l'essor de nouveaux champs de la connaissance du réel que l'éviction des conceptions fallacieuses qui sédimentent l'esprit.

2 commentaires:

Bassim Kazi Aoul a dit…

Salut,
Je ne te retrouves plus sur Facebook. M'aurais tu supprimé ? J'aurais aimé te garder comme ami.

Av'tW a dit…

"Par conséquent, l'activité philosophique est de favoriser tant l'essor de nouveaux champs de la connaissance du réel que l'éviction des conceptions fallacieuses qui sédimentent l'esprit." -> pas évident équilibre, la chasse aux conceptions fallacieuses tournant souvent à la déconfiture (sédimentation spirituelle tout aussi avérée bien souvent chez certains sceptiques ou raisonnables).

Je pense qu'il y a un fil très fin de la vérité entre mystique et philosophie, mais que la philosophie purement rationnelle est vouée à l'infertilité.